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L'EGLISE CATHOLIQUE FACE AUX SECTES

L'EGLISE CATHOLIQUE FACE AUX SECTES

Publié le 18/08/2010 à 16:31 par ayemonmarc
L'EGLISE CATHOLIQUE FACE AUX SECTES

Depuis une trentaine d’années, des événements dramatiques associés à des groupes religieux suicidaires ou considérés comme anti-sociaux ont à plusieurs reprises alerté l’opinion publique internationale. Ces drames ont nui à la réputation de l’ensemble des « nouveaux mouvements religieux » qui se développaient parallèlement, et dont on a pu redouter les agissements. Pour éviter toute confusion avec des institutions religieuses établies, les « victimes » des groupes, leurs familles, l’opinion et certains hommes politiques les ont baptisés « sectes ». En réalité, cette expression, dont il n’existe aucune définition technique – juridique ou sociologique –, n’emporte pas l’unanimité. Elle n’est que le reflet d’une inquiétude collective. Ce qu’elle évoque – la coupure de l’adepte d’avec son milieu et l’enfermement au sein d’un groupe clos– ne représente qu’une extrême minorité des groupes ainsi étiquetés. De fait, l’expression sème la confusion plus qu’elle ne la réduit, et les pouvoirs publics de certains pays ont préféré la proscrire. Mais d’autres au contraire l’ont pérennisée. Cette attitude de rejet ou d’appropriation du terme « secte » est révélatrice des divergences très profondes apparues entre les États-Unis et l’Europe d’une part, et entre pays européens d’autre part, quant au traitement politique de la question. Si tous réagissent aux groupes qu’ils estiment dangereux pour l’État, la société ou l’individu, ils le font en mobilisant, selon les contextes qui leur sont propres, des références, des valeurs et des ressources juridiques distinctes. Ce sont ces différents traitements politiques que cet article voudrait analyser, en s’attachant plus particulièrement à l’Europe et à la place spécifique qu’y occupe la France. Celle-ci suit en effet depuis quelque temps une politique unique par sa fermeté et fortement critiquée tant par les États-Unis que par une partie de l’Europe occidentale. Avant d’en arriver à cette situation « d’exception », elle n’avait fait que suivre un mouvement européen de mobilisation face à l’arrivée de groupes en provenance des États-Unis, dont on maîtrisait mal les capacités de nuisance.

2Le premier drame associé à ces nouveaux groupes religieux s’est produit en 1978, en Guyana, à Georgetown, où près de mille membres du Temple du Peuple sont retrouvés morts. Ce groupe, fondé aux États-Unis par Jim Jones mais s’affirmant persécuté dans ce pays, s’était réfugié en Amérique du Sud. Un parlementaire américain qui était allé enquêter sur place avait été assassiné avec plusieurs autres personnes. C’est à partir de cette affaire que l’Europe commence à manifester son intérêt pour la question des sectes. Des rapports sont publiés, qui tous font état de cette sombre histoire de suicides et de meurtres : l’Europe est-elle à l’abri de telles violences ? L’affaire du Temple du Peuple sert ainsi de déclencheur. Elle légitime une intervention politique très attendue, notamment par les familles, mais jusqu’alors difficilement justifiable compte tenu de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, stipulant l’entière liberté de croyance. L’atrocité de la mise à mort des adeptes, en faisant la démonstration que des groupes peuvent outrepasser les limites fixées (dans le même article 9) à cette liberté, autorise une réaction des pouvoirs publics.

3À lire l’ensemble des rapports publiés à cette occasion, on s’aperçoit cependant que l’Europe ne se sent pas directement menacée par des phénomènes similaires, mais s’inquiète surtout de l’arrivée récente sur le continent d’un groupe bien particulier, celui du Révérend Moon. Elle est alertée notamment par un rapport américain dit « Rapport Fraser »[1][1] Investigation of Korean-American Relations, Report of the...
, portant sur les relations des États-Unis avec la Corée du Sud, mais dont un quart est consacré à l’Église de l’Unification, avec des conclusions alarmantes. Le texte souligne combien le mélange des genres (affaires commerciales, politiques et religieuses gérées à l’échelle internationale, apparemment par différentes associations mais en fait par les mêmes individus) facilite les fraudes en tout genre, notamment les fraudes fiscales et la circulation illicite de l’argent. Il montre également la propension de ce groupe à pénétrer les plus hauts niveaux des institutions politiques, économiques, voire militaires, et son intention de s’immiscer dans l’appareil d’État. Le rapport conclut que l’Église de l’Unification vise par tous les moyens à établir une théocratie, et menace par là même la démocratie.

4Bien que n’ayant pas conduit aux États-Unis à des décisions majeures, le Rapport Fraser est cité dans les premiers documents consacrés aux « sectes » en Europe. Il est le véritable point de départ de la mobilisation européenne. Les États-Unis sont donc les précurseurs de la mise en cause de certains groupes à caractère religieux, et les pays européens se disposent à les suivre. C’est le cas du député socialiste français Alain Vivien qui, sous l’inspiration d’une proposition de loi (jamais approuvée) de l’État de New-York[2][2] Proposition de loi du 2 mars 1982 sur la possibilité d’une...
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, envisage d’adjoindre à l’article 488 du Code civil un nouvel alinéa sur la protection des majeurs « en cas d’atteinte manifeste à [leur] intégrité physique ou psychique, par quelque groupement que ce soit »[3][3] Alain Vivien, Les sectes en France. Expression de la liberté...
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. De son côté, le Parlement européen demande à sa délégation pour les relations avec le Congrès des États-Unis de soulever le problème de l’Église de l’Unification lors de sa prochaine réunion. Bref, la mobilisation politique européenne trouve sa légitimité par référence aux États-Unis.

5Vingt ans plus tard, la situation est inversée : les États-Unis critiquent, dans des rapports d’un tout autre style, l’attitude de certains pays – notamment la France, la Belgique, l’Allemagne et l’Autriche – pour leur attitude anti-sectes, dénoncée comme incompatible avec les conventions internationales des droits de l’homme. À l’inverse, la France s’en prend à l’excès de tolérance américain. C’est presque une guerre diplomatique entre pays alliés qui s’engage sur ce sujet, et qui divise les pays européens entre eux.

Liberté de croire et prévention de l’acte délictueux

6Si de vives réactions contre certaines « sectes » d’implantation récente en Europe se manifestent ici et là dès les années soixante-dix, les premiers travaux politiques visant un ensemble de groupes n’apparaissent que dans la décennie suivante.

7Le premier rapport est publié en 1980 en Allemagne de l’Ouest[4][4] Bundesministerium für Jugend, Familie und Gesundheit, Jugendreligionen...
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. Lui fait suite, en février 1983, le rapport français du député Alain Vivien. Puis, le 2 avril 1984, est publié le premier rapport du Parlement européen consacré à cette question[5][5] Parlement européen, Rapport fait au nom de la Commission...
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. Il souligne l’urgence d’une réflexion sur « certaines organisations considérées comme de “nouveaux mouvements religieux”». Les modalités de l’utilité publique et de l’exonération fiscale, le respect des lois en vigueur (droit du travail et protection sociale notamment), la recherche des personnes disparues, la création d’un service d’assistance et l’examen des lacunes juridiques forment le « noyau dur » des propositions de résolution.

8Ces trois rapports sont très semblables tant dans l’esprit que dans la forme. Ils décrivent une petite dizaine de groupes qui semblent présenter un danger, soit en raison de leur idéologie politique et de leur empire financier (l’Église de l’Unification, l’Église de Scientologie, la Société pour la Méditation transcendantale), soit parce qu’ils isolent leurs adhérents et les encadrent au sein d’une structure rigide, ce qui porte atteinte aux droits des personnes et compromet la situation sociale des individus concernés. Parmi ces derniers groupes, on cite les Enfants de Dieu, Bagwan Shri Rajneesh ou encore la Communauté internationale de la Conscience de Krishna. Tous se voient reprocher de mettre en péril l’individu et la famille, cellule de base de la société dont on constate, par ailleurs, le vacillement.

9Par-delà ces analogies, on mesure néanmoins, dès ces premiers rapports, la difficulté de la prise en charge politique de la question des sectes. Les pays concernés ont établi dans leur Constitution la liberté religieuse. Comment s’assurer que les formules employées pour décrire les groupes ou pour montrer la nécessité de réagir n’annoncent pas une restriction de cette liberté ? Des efforts pour prévenir cette critique sont très visiblement déployés, mais des contradictions apparaissent déjà. Tous les rapports soulignent la nécessité de mettre en œuvre une politique préventive. Mais comment penser cette prévention sans mettre en cause des façons de croire ou d’adhérer qu’on désigne comme dangereuses alors qu’elles ne s’accompagnent pas encore d’actes délictueux ? La question lancinante, également présente dans tous les rapports qui vont suivre, est de savoir dans quelle mesure, tout en respectant les droits fondamentaux, l’État peut empêcher que l’individu soit, sous le prétexte de buts religieux, victime de dommages psychiques ou matériels.

10Cette question n’est pas simple. Certes, le constat d’actes délictueux n’appelle qu’une utilisation systématique des ressources juridiques existantes; il suffirait, en principe, de vérifier qu’elles couvrent bien l’ensemble des cas concernés. En revanche, la mise en place d’une politique préventive est beaucoup plus hasardeuse. Alain Vivien note ainsi, en citant le rabbin Sommer, l’impossibilité de « dissocier réellement l’esprit sectaire de l’action, parfois de l’action violente »[6][6] Alain Vivien, op. cit. , p.  23. ...
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. Le Parlement européen souligne pour sa part la « contradiction entre la protection du droit, parfaitement légitime, de croire et le droit, également légitime, de nourrir des inquiétudes quant aux conséquences descroyances »[7][7] Parlement européen, Document de séance 1-47/ 84, op. cit. ,...
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. Le résultat premier de cette impasse est que, pendant plus de dix ans, il ne se passera quasiment rien, excepté sur des points concernant essentiellement l’Église de l’Unification ou la Scientologie. Mais les actions menées à l’encontre de ces groupes n’ont pas vocation à être élargies pour servir une lutte plus généralisée contre les sectes. Pourquoi donc ces deux organisations ont-elles particulièrement inquiété différents pays européens et suscité, au moins au départ, une vive opposition à les voir se déployer chezeux ?

L’Église de l’Unification, la Scientologie et le « modèle américain »

L’influence politique de l’Église de l’Unification

11La grande révolution spirituelle du XXe siècle est le fait de groupes aux multiples facettes dont la dimension religieuse est difficilement identifiable, ou à tout le moins imbriquée dans un ensemble d’activités politiques, économiques, sociales, médicales ou caritatives tout aussi importantes. Ces groupes sont assimilables à des sociétés multinationales. C’est à ce titre qu’ils suscitent l’inquiétude des pays européens où ils s’implantent. Le refus de l’Église de l’Unification de s’inscrire dans le jeu démocratique et son projet d’instaurer une théocratie, dénoncés dans le rapport Fraser, aiguisent cette inquiétude.

12Selon le rapport, le but utopique de cette Église consiste à prendre les commandes du gouvernement coréen, puis de la politique internationale. C’est dans cette perspective que l’on comprend pourquoi Moon Sun-Myong s’est rapproché de personnalités américaines importantes. Ses relations, ainsi que la participation de ses fidèles à la vie politique des États-Unis, lui permettent, dès 1965, de rencontrer le président Eisenhower et de resserrer ses liens avec le gouvernement. Dans les années soixante-dix, le groupe saisit l’occasion de l’affaire du Watergate pour se rapprocher encore de la Maison Blanche, et le Révérend Moon soutient activement Richard Nixon. Certes, celui-ci finit par démissionner, mais Moon s’est ainsi lié plus étroitement avec de nombreux parlementaires qui ont contribué à faire grandir son prestige auprès des autorités gouvernementales sud-coréennes. Moon devient, pour la Corée du Sud, un atout majeur dans ses relations avec les États-Unis.

13Pour comprendre cette remarquable ascension politique, il faut remonter au contexte dans lequel ce groupe a émergé dans son pays d’origine. L’Église de l’Unification est apparue après la guerre de Corée ( 1950-1953). Elle s’est formée grâce aux qualités intellectuelles des premières recrues et doit beaucoup à un jeune officier très politisé, Pak Bo-Hi. Celui-ci joue un rôle central dans le développement de « l’organisation Moon » : il lui apporte une ouverture sur l’armée coréenne, alors à la tête du pays. Mais c’est la doctrine messianique mise au point par les principaux membres du groupe qui donne toute sa force au mouvement. Moon est censé inaugurer la troisième et dernière période de l’histoire divine : à l’Ancien et au Nouveau Testaments succède le « Testament accompli ». Ce dernier livre une interprétation de l’histoire de l’humanité où le communisme, perçu comme l’ennemi de Dieu, est la manifestation moderne de l’esprit de Caïn. Parallèlement, le capitalisme, confondu avec la démocratie, est associé à la sagesse d’Abel. La lutte entre Abel et Caïn est représentée par la guerre froide qui oppose alors l’URSS et les États-Unis ou, encore aujourd’hui, la Corée du Nord et la Corée du Sud. Dans l’Ancien Testament, Caïn a tué son frère et le mal a régné sur Terre. Le « Testament accompli » prophétise la destruction de Caïn et la restauration du paradis terrestre. La mission du « Messie » Moon est de lutter contre le communisme. La victoire se concrétisera par la chute des dirigeants de la Corée du Nord et la réunification des deux Corée en un pays capitaliste. On peut ainsi lire dans les « Principes divins » que le combat final opposera ultimement les deux idéologies – capitalisme et communisme– et assurera le triomphe de la première[8][8] Voir notamment Nathalie Luca, Le salut par le foot. Une...
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.

14La propagande anticommuniste de l’Église de l’Unification, en pleine période de guerre froide, a reçu la bénédiction des dirigeants sud-coréens. Elle servait également les États-Unis dans la mesure où elle justifiait leur présence militaire en Corée du Sud, toujours menacée par une invasion du Nord, et où elle faisait d’eux le symbole d’Abel, suprême éloge pour un pays chrétien croyant en sa mission salvatrice universaliste. Selon Élise Marienstras[9][9] Les citations de ce paragraphe proviennent de Élise Marienstras,...
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en effet, les États-Unis d’Amérique, État-nation par excellence, « expliquent le caractère inéluctable de leur naissance par l’intervention de la Providence en faveur de ses élus et par le concept (plutôt que la métaphore) de la Terre promise » : Dieu, en envoyant « ses élus peupler le Nouveau Monde », aurait ainsi « séparé le bon grain de l’ivraie ». Cette interprétation de la création nationale donne une place centrale à la référence religieuse au point que la religion tout entière – et non pas l’une aux dépens de l’autre – en devient « un paradigme nationaliste », capable de servir de « ciment substitutif » à une nation qui, en se désolidarisant de l’Ancien Continent, se retrouvait soudainement sans fondements. De même que les Hébreux d’Égypte avaient marché sur la mer Rouge en direction de la Terre promise, l’Amérique devient la Nouvelle Jérusalem.

15La majorité des courants religieux chrétiens, « convaincus du rôle “exceptionnel” de l’Amérique dans les desseins divins, secondèrent avec vigueur les inventeurs de la religion civique ». Élise Marienstras note que les différentes crises économiques, culturelles ou politiques, comme celle du Watergate, ont mis à mal ce mythe de l’origine. Il est en cela tout à fait remarquable que l’influence de « l’organisation Moon » se soit fait sentir en pleine crise du Watergate; elle apparaissait peut-être au président Nixon comme capable de redonner foi en l’élection de son pays. La doctrine de l’Église de l’Unification embrasse en effet la « religion civique » américaine et participe ainsi à l’enthousiasme patriotique de cette nation. La parfaite compatibilité entre le mythe d’origine des États-Unis et la place que Moon leur donne dans sesprophéties explique que certains discours de Ronald Reagan offrent des affinités frappantes avec le dogme anticommuniste mooniste : « Sa vision d’une Amérique puissante, et leader du monde occidental, sa dénonciation du “Grand Satan” soviétique et l’annonce prophétique d’un prochain combat de l’Armageddon qui sera suivi du millenium démocratique » sont certainement, comme l’exprime Élise Marienstras, « une simple transposition moderne des mythes traditionnels ». Les propos de Moon Sun-Myong leur font directement écho. Ainsi, l’Église de l’Unification participe-t-elle, avec beaucoup d’autres groupements religieux du même genre qui se développent à vive allure sur le sol américain, à la prise en charge de la « refondation des idéaux collectifs indispensables au fonctionnement des institutions américaines et à la légitimation du rôle des États-Unis dans le monde »[10][10] Danièle Hervieu-Léger, « Prolifération américaine...
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.

La culture entrepreneuriale de l’Église de l’Unification

16L’Église de l’Unification est parfaitement adaptée à la culture politique des États-Unis, mais également à leur culture entrepreneuriale. Elle prêche pour une économie libérale. Elle valorise le chef d’entreprise, dont la réussite matérielle est la preuve ultime de son élection. Par cette valorisation de la vocation mondaine, elle se fait le porte-parole, selon une modalité nouvelle, d’un mode de vie américain hérité de la culture protestante et pour lequel le chef d’entreprise est « toujours supposé réaliser, à sa manière, l’ambition historique des pères fondateurs »[11][11] Ibid. ...
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. La puissance économique et la domination internationale des États-Unis sont interprétées, elles aussi, comme les preuves de l’élection divine de ce pays et de son rôle messianique pour le reste du monde. La doctrine de Moon Sun-Myong est en parfaite continuité avec ce mode de légitimation.

17La proximité remarquable des idéaux américain et mooniste explique que ce groupe ait pu se fondre dans le paysage politique et économique des États-Unis au point que certains ont pu voir en lui une émanation du FBI. Son prosélytisme en faisait un allié naturel de la réalisation hégémonique de cette nation. Hors des frontières américaines, il devenait son porte-parole indépendant, un ouvrier providentiel de l’élargissement de son influence. Cependant, ce succès n’est pas sans ambivalence. Les autorités américaines ont été suffisamment séduites par Moon pour lui avoir donné accès aux personnalités les plus importantes des gouvernements successifs. Mais le rapport Fraser, en montrant que l’organisation ne les flattait que pour mieux servir la Corée du Sud (le véritable pays élu) et qu’elle s’opposait tout à la fois aux chrétiens, considérés comme les « nouveaux juifs », et à la démocratie, va éveiller leur vigilance et aura des répercussions très négatives pour l’Église de l’Unification, objet, dès ce moment, d’une sévère surveillance. En 1981, Moon est condamné à dix-huit mois de prison pour fraude fiscale. Le service d’immigration et de naturalisation se met à enquêter sur les conditions d’obtention de son visa de résident permanent aux États-Unis. Le groupe perd par ailleurs l’exemption fiscale dont il jouissait sur plusieurs de ses propriétés. Mais, entre-temps, il a gagné l’Europe.

L’Église de l’Unification rejetée en Europe occidentale

18Il est aisé d’imaginer que l’intrusion d’un groupe si ostensiblement pro-américain ait pu gêner l’Europe occidentale. Celle-ci n’était certainement pas enthousiaste à l’idée de protéger un prosélytisme qui la ravalait au rang de vassal des États-Unis et légitimait religieusement la supériorité du Nouveau continent sur l’Ancien. L’Église de l’Unification espérait se propager en Europe à partir de la Grande-Bretagne, comptant sans doute sur les liens particuliers – culturels et politiques– qui existent entre ce pays et les États-Unis. Pourtant, les Britanniques ont rapidement manifesté une très vive hostilité. Dès 1975, un rapport de la Chambre des Communes met en garde contre ce groupe qui a « bénéficié du laxisme de la loi relative aux charities (organisations caritatives)»[12][12] House of Commons, 22 octobre 1975, « The Unification Church »,...
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. Le rapport est le premier du genre qui dénonce, à propos de l’Église de l’Unification, « ses techniques élaborées de lavage de cerveau, ses efforts pour séparer les jeunes de leur famille [...] ; ses connections politiques avec différentes organisations fascistes et de type nazi[...]; ses relations avec des entreprises commerciales, alors qu’elle est supposée être une organisation caritative religieuse [...] ; son empire financier considérable en Corée du Sud, où elle dirige des usines de fabrication de thé au ginseng, de produits pharmaceutiques et même d’armes légères ». En 1981, l’Église de l’Unification porte plainte pour diffamation contre le quotidien Daily Mail, qui avait affirmé en gros titre qu’elle « brisait les familles ». Elle est non seulement déboutée mais condamnée à payer les huit millions de livres de frais de procès. Cette affaire conduit le ministre de l’Intérieur, William Whitelaw, à déclarer que Moon ne pourrait entrer au Royaume-Uni sans autorisation spéciale. Les retombées très négatives sur la réputation de l’organisation conduisent alors les adeptes coréens à quitter massivement le sol anglais. L’Église de l’Unification préparera toutefois, en 1995, une visite privée de son leader. Une allocution au centre de conférences Elisabeth II, en face du Parlement, est prévue. Pourtant, la venue de Moon Sun-Myong est finalement empêchée par le ministre de l’Intérieur, Michael Howard. Celui-ci explique avoir « ordonné l’exclusion du Révérend Moon Sun-Myong aux motifs que sa présence n’est pas bonne pour la population » et que les activités des moonistes ne sont pas « désirables sur le sol britannique »[13][13] Nick Buckley, « Howard thwarts Moonie leader : Banned...
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.

19Cette réticence anglaise vis-à-vis de l’Église de l’Unification est d’autant plus intéressante que la Grande-Bretagne ne mène pas, par ailleurs, de lutte particulière contre les « sectes ». De façon plus générale, nous avons vu que les rapports publiés dans les années quatre-vingt montrent une Europe occidentale massivement mobilisée contre cette Église particulière.

L’Église de Scientologie sur les pas de l’Église de l’Unification

20La situation de l’Église de Scientologie ressemble beaucoup à celle de l’Église de l’Unification. Il s’agit également d’une multinationale baignant dans la culture entrepreneuriale américaine. Son message est différent, cependant, en ce que la dimension politico-messianique passe au second plan : certes, elle relève d’une idéologie capitaliste libérale évidemment hostile au communisme, mais l’anticommunisme virulent de Moon y est remplacé par des valeurs beaucoup plus individualistes orientées sur la réussite personnelle actuelle. On y trouve également une volonté hégémonique qui fera en Europe l’objet de virulentes critiques : l’idéologie du groupe serait, selon les termes que ses opposants lui attribuent, de « nettoyer la planète », de la « purifier » de tous ses « parasites » et « éléments anti-sociaux » afin d’ouvrir le temps d’une civilisation sans criminels, sans guerre et sans démence. On comprend qu’un tel projet ait éveillé une méfiance toute particulière en Allemagne, où la Scientologie est considérée comme un « mouvement politique extrémiste » dont la forme de pensée totalitaire est explicitement rapprochée de la pensée nazie[14][14] Voir le rapport final de la Commission d’enquête parlementaire...
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. Mais l’Angleterre et l’Italie – deux pays par ailleurs peu impliqués dans la lutte contre les sectes– sont également sur leurs gardes. En Italie, dans les années quatre-vingt, l’Église de Scientologie a dû renoncer à obtenir sa reconnaissance en tant que groupe religieux. Des poursuites judiciaires sont engagées contre le responsable de l’organisation à Milan, où la police a mis en évidence des violations de la législation fiscale. Les « Hubbard Dianetics Institutes » sont fermés à Bologne, et des adhérents sont condamnés par le Tribunal correctionnel de Bolzano[15][15] Ces données sont tirées d’une note du Ministère public...
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. La situation a cependant beaucoup évolué ces dernières années. L’Église de Scientologie a gagné le procès de Milan devant la Cour suprême italienne, après une bataille judiciaire de plusieurs années. Elle est par ailleurs désormais reconnue comme une religion dans ce pays.

21En Angleterre encore, dès 1971, un rapport de la Chambre des Communes, rédigé par Sir John D. Foster, critique sévèrement le système idéologique de la Scientologie et ses méthodes psychothérapeutiques; il la considère comme nuisible à la société et à la santé des individus. S’il n’a pas été possible de l’interdire, le gouvernement britannique a néanmoins essayé, jusqu’en 1980, de limiter l’entrée sur le territoire des adeptes étrangers[16][16] Information recueillie dans le rapport allemand de 1998,...
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. En 1999, le statut d’association caritative ( charity) lui est refusé, l’organe délivrant ce statut estimant notamment qu’elle n’a pas pour objet « le bien public », ou encore que ses pratiques ne sont pas religieuses au sens de la loi sur les charities. En Europe du Nord, la Scientologie est mieux accueillie. Elle est reconnue comme association religieuse en Suède depuis mars 2000, et son siège européen se trouve au Danemark.

22Une différence significative entre les Églises de Scientologie et de l’Unification est que la première pousse à son maximum la logique marchande d’une entreprise de fourniture de biens symboliques. L’Église de l’Unification se réclame d’un héritage historique, politique et culturel qui la rend porteuse d’une utopie. Celle-ci lie les adeptes et justifie leur conversion, à laquelle elle donne sa visée ultime. Certes, des sommes considérables circulent dans ce groupe, qui développe des activités économiques et commerciales multiples; mais il a vocation, aux yeux de l’ensemble des adhérents, à servir une « finalité en valeur ». Le succès d’une telle utopie s’amenuise cependant quand disparaît l’ennemi dont on appelait la chute. La Scientologie est aujourd’hui beaucoup plus visible en Europe que l’Église de Moon, dont la présence est devenue fantomatique. Elle est le produit même d’une culture de la consommation. Même si elle propose bien l’utopie d’un monde régénéré, cette utopie n’est pas à la source de l’intérêt qui porte les adeptes vers le groupe. Ceux-ci viennent avant tout dans le but individualiste de se procurer un produit symbolique capable de les rendre plus performants dans l’élaboration de leur parcours personnel, professionnel ou privé. Ils font une démarche de consommateurs auprès d’un fournisseur de services ordonnés à la réalisation de soi dans le monde[17][17] C’est en tout cas ce qui est ressorti d’une enquête...
suite
. Le groupe véhicule une culture fortement américanisée (du point de vue, par exemple, des représentations de la réussite individuelle et de la performance), mais celle-ci est désolidarisée de son mythe fondateur : la réalisation proposée n’a pas vocation à démontrer l’élection des États-Unis. Elle se suffit à elle-même. Cela n’empêche pas la Scientologie d’être couramment perçue à l’extérieur comme exemple d’une mondialisation consumériste qui se déploie sous l’égide américaine : les propos de la députée socialiste française Catherine Picard – qui dénonce simultanément « l’impérialisme américain, l’OMC, le libéralisme avancé, [symbolisé par] la marchandisation de l’éducation, de la croyance, dans laquelle tout a toujours un impact financier »[18][18] Xavier Ternisien, « Le Sénat adopte la proposition de...
suite
, pour justifier sa volonté de lutter contre les sectes – prennent leur sens à la lumière de cette assimilation.

23On le voit, la France n’est pas la seule à se préoccuper du développement de groupes comme les Églises de l’Unification ou de la Scientologie. Elle n’est même pas pionnière en ce domaine. Ces groupes, qui sont perçus comme participant de l’hégémonisation de la culture américaine dans le monde et qui transposent sa dimension entrepreneuriale sur le terrain de la religion, n’ont guère été les bienvenus en Europe, où ils sont ressentis comme des corps allogènes. Cependant les actions menées contre eux dans différents pays n’ont généralement pas conduit à mettre en œuvre une politique d’ensemble de « lutte contre les sectes ». C’est en cela que la France va se distinguer des autres pays d’Europe occidentale.

La France se saisit du flambeau de la « lutte contre les sectes »

Le rapport parlementaire Gest et Guyard

24Après la demande pressante d’échange d’informations énoncée par le Parlement européen en 1984, des rapports sont publiés un peu partout, mais la volonté politique semble faire défaut pour aller plus loin. Rien ne permet de déceler le début d’une lutte généralisée visant un vaste ensemble de groupes. L’événement choc sera la publication en France, le 10 janvier 1996, du rapport d’une commission parlementaire sur les sectes, dont le président et le rapporteur sont deux députés socialistes, Alain Gest et Jacques Guyard. Ce rapport a un grand retentissement en Europe, où il va ébranler le consensus mou sur le problème des sectes et faire jaillir des critiques ouvertes de l’action de la France. L’Europe en sortira très partagée sur la politique à tenir en la matière.

25Le texte adopte un ton très différent de celui qu’Alain Vivien avait présenté en 1983. À partir d’une étude de huit cas, ce dernier décortiquait certaines des croyances susceptibles de conduire à des comportements illicites. Le rapport Gest et Guyard présente une vue beaucoup plus globale du phénomène. S’appuyant sur des documents de travail des Renseignements généraux, il établit une liste de 172 groupes – classés par ordre alphabétique et par nombre d’adhérents– puis développe dix critères justifiant qu’on se montre vigilant à leur égard, mais sans que des faits concrets soient explicitement invoqués à l’appui de cette méfiance. Dans ses conclusions, ce nouveau rapport ne s’éloigne pourtant guère de celui d’Alain Vivien. Sans exclure la possibilité d’améliorer un arsenal juridique insuffisamment appliqué, il insiste fortement sur l’inutilité d’élaborer un régime juridique spécifique aux sectes et préconise de s’en tenir à un travail de communication en direction des magistrats. Comme son prédécesseur, il réaffirme l’utilité d’un suivi des affaires propres aux sectes, au niveau national et européen, et propose la création, en France, d’un observatoire interministériel.

26Ces recommandations sont suivies d’effet. Un observatoire interministériel est d’abord créé en mai 1996. Lui succède, en octobre 1998, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) établie auprès du Premier ministre, dont elle dépend directement. L’intitulé de la mission souligne à lui seul la volonté offensive qui préside à sa mise en place. Cette initiative, première du genre, donne de fait à la France une position en pointe dans la lutte engagée par les États contre les sectes. La volonté préventive s’exerce dans chaque ministère, où l’on vérifie que l’on ne subventionne ni ne cautionne aucune association en relation – même indirecte – avec une secte. On contrôle également que le personnel placé auprès des mineurs – assistante maternelle, enseignant, directeur d’école ou autres– ne se livre à aucun acte de prosélytisme. Les initiatives ministérielles rencontrent cependant les difficultés inhérentes à toute politique de prévention : comment prendre des décisions en amont de délits simplement virtuels sans porter à polémique, et sans se placer dans l’illégalité ? La difficulté avait été suffisamment ressentie pour que, pendant dix ans, l’inaction soit de règle. Mais cette fois l’unanimité politique sur ces questions, à laquelle aucune opposition ne paraît pouvoir résister, permet d’aller plus loin dans l’offensive.

La mise en place d’un cadre législatif

27Bien que le rapport parlementaire ait souligné l’inutilité d’une « loi anti-secte » et les problèmes qu’elle posait, la mobilisation générale de la classe politique française autour des dangers du « sectarisme » conduit finalement à une entreprise d’éradication législative du risque sectaire. Les parlementaires, toutes tendances confondues, appellent un texte d’ensemble qui marque la volonté politique qui les porte. En principe, les propositions de lois avancées sont supposées viser toutes les formes de « groupes totalitaires ». Il est clair cependant qu’elles sont politiquement pensées et pratiquement construites pour renforcer l’efficacité de la répression judiciaire des sectes. Après d’importants débats, un remodelage de l’article 313-4 du Code pénal, portant sur l’abus d’ignorance ou de faiblesse, est adopté. Sont votées également la possibilité de dissolution par la justice « de toute personne morale, quelle qu’en soit la forme juridique ou l’objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d’exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ses activités », dès lors qu’elle ou un de ses dirigeants a fait l’objet de condamnations, ainsi que la possibilité pour les maires d’interdire à de telles personnes morales de s’installer à proximité de lieux sensibles (écoles, maisons de retraite et hôpitaux notamment)[19][19] Loi About-Picard « tendant à renforcer la prévention...
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.

28L’inexistence d’une définition de la secte reconnue par les tribunaux rend en fait l’application de telles lois difficile et sujette à controverse. Du coup, certains redoutent que la liste du rapport Gest et Guyard, considérée par ses auteurs comme une simple photographie prise à un moment donné et dépourvue de toute valeur juridique, serve de référence pratique dans les cas où il faut prendre une décision concrète, par exemple lorsqu’un tribunal doit décider à qui confier la garde des enfants lors d’un divorce, lorsqu’un des parents est membre d’une « secte ». La liste risquerait ainsi de produire des effets de stigmatisation. On ne peut aujourd’hui s’avancer sur l’application qui sera faite de cette loi. Il n’en demeure pas moins que l’offensive française a suscité force critiques à l’échelle internationale.

Les réactions à l’intransigeance française

29Le premier organisme international à élever de vives objections aux actions de la France est la Fédération internationale d’Helsinki pour les droits de l’homme. Un rapport publié en mars 1999 signale que, « depuis 1996, on observe une augmentation de l’intolérance et de la discrimination envers les “nouvelles religions” (ou “sectes”). [La publication du rapport Gest et Guyard], qui énumère 172 groupes jugés nuisibles et dangereux, a eu pour conséquence de faire circuler des rumeurs et de fausses informations, et d’inciter à l’intolérance religieuse »[20][20] International Helsinki Federation for Human Rights, Report...
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. Dans son rapport annuel 2001, la même organisation regrette également l’adoption de lois qu’elle estime discriminatoires. Les autorités américaines réagissent elles aussi avec animosité, notamment dans les « rapports sur la liberté religieuse dans le monde » réalisés par le Département d’État. Le premier paraît en septembre 1999, soit quelques mois avant la publication du premier rapport de la MILS (janvier 2000). Le rapport parlementaire français y est vigoureusement critiqué pour ne pas avoir entendu chacun des groupes qu’il a portés sur sa liste. On y met en cause, par ailleurs, le fait qu’il ne puisse pas faire l’objet d’une quelconque procédure contradictoire. Il est également tenu pour responsable de « l’atmosphère d’intolérance envers les minorités religieuses ».

30Les pays européens, de leur côté, adoptent des attitudes diverses. Au niveau de l’Union, le Parlement consacre aux sectes un nouveau document assez modéré, qui conclut notamment que rien, à l’heure actuelle, n’impose ni ne justifie la mise en place d’une politique européenne contre les sectes ni la création d’une institution européenne spécialisée, ce qui revient à répondre négativement à l’une des propositions émises par le rapport Gest et Guyard. Le Conseil de l’Europe ouvre une nouvelle séance sur ce thème le 22 juin 1999. On y insiste sur la responsabilité de « l’État et [des] pouvoirs publics [qui] ne peuvent pas renoncer à leur tâche de prévention et de surveillance ». Contrairement au Parlement européen en 1997, le Conseil de l’Europe préconise, en matière de prévention, la création d’un « observatoire européen des groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel »[21][21] Résolution du Conseil de l’Europe, 13/ 4/ 99, Document...
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. Le texte approuvé reste cependant relativement flou : le rapporteur, Adrian Nastase, ministre roumain, avait espéré initialement que pourrait être menée une réflexion sur la « manipulation mentale » ou sur des mesures supplémentaires à prendre pour mieux assurer la poursuite judiciaire des groupes délictueux. Mais ces deux éléments, qui auraient rapproché la politique du Conseil de l’Europe de celle de la France, sont éliminés du texte final. L’unanimité européenne a vécu. Le texte approuvé est un compromis entre plusieurs positions et se limite à préconiser l’observation et l’information.

31Divers rapports parus à la même époque dans différents pays manifestent également des réserves à l’égard de la politique française. Les rapports suisse et allemand méritent, de ce point de vue, une attention particulière. Après un temps de mise en alerte maximale, la Suisse marque en effet sa volonté de modération. La lecture rétrospective du processus de la mise en marche, puis en veille de son activité gouvernementale en matière de lutte contre les sectes est très éclairante. En 1994 puis en 1995, les « suicides » de l’Ordre du Temple Solaire en Suisse romande et l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé l’État de les prévenir justifient de mettre en place une commission d’experts chargée de réaliser un « audit sur les dérives sectaires ». Les résultats sont publiés en février 1997. Des projets de loi suivis d’un nouveau rapport montrent que la sensibilité politique est forte sur cette question. La Suisse, dans un premier temps, paraît s’orienter vers la mise en place d’une structure similaire à celle de la MILS. Pourtant, un dernier rapport[22][22] La Scientologie et les sectes en Suisse. Rapport de situation...
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publié en décembre 1999 affaiblit considérablement les premières propositions. Il prend clairement ses distances face à la politique allemande sur la Scientologie. Il cite les rapports officiels du Département d’État américain, notant que cette politique y est très critiquée, et que l’attitude de la Suisse ne l’est pas. Ces références montrent combien la Suisse accorde de valeur aux travaux américains, ce qui de fait l’éloigne de la France.

32L’Allemagne, nous l’avons vu, fut la première à s’inquiéter des « sectes ». Dès 1993, elle a mis en place un nouveau département appelé « sectes de jeunes et psychogroupes ». Son rôle est proche de celui de la MILS, bien qu’il ne soit rattaché qu’au ministère de la Jeunesse et de la Famille. S’ajoutent à cette structure des groupes de travail interministériels propres à certains Länder (Bade-Wurtemberg, Bavière, Hesse, Basse-Saxe, Saxe, Thuringe). Elle se fait cependant exclusivement remarquer pour sa lutte contre la Scientologie, d’ailleurs diversement suivie selon les Länder. Les États-Unis ont attaqué ses prises de position en la matière, et le différend a même donné lieu à des incidents diplomatiques. Mais l’Allemagne a réagi très différemment de la France. Le dernier rapport de la commission d’enquête du Parlement fédéral, présenté en juin 1998[23][23] Rapport allemand de 1998, op. cit. ...
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, est beaucoup plus modéré et entreprend un effort visible d’explication, pour que sa démarche soit mieux comprise aux États-Unis. Il a d’ailleurs été entièrement traduit en anglais, ce qui montre la volonté du Parlement allemand d’être directement lu par les Américains et de revenir, à leurs yeux, dans le cercle des nations « tolérantes ».

33Dès l’introduction, la présidente de la commission, Ortun Schätzle, précise son attachement à l’article 4 de la Constitution allemande stipulant les principes de neutralité et de tolérance du gouvernement, ainsi qu’aux libertés de religion, de conscience et de croyances qui font partie intégrante des droits de l’homme. Elle ajoute que ce rapport a été largement guidé par la volonté de lutter contre la stigmatisation de certains groupes et, par voie de conséquence, contre l’emploi du terme « secte », porteur de connotations trop négatives. Pour la même raison, le rapport s’oppose à la publication d’une liste des groupes actifs en République fédérale allemande, parce que cela « comporterait le risque considérable que les groupes mentionnés soient stigmatisés »[24][24] Ibid. , p.  20. ...
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. L’analyse tend enfin à montrer qu’il « n’est pas raisonnable de décrire un groupe donné comme globalement “radical” ou “dangereux” »[25][25] Ibid. , p.  112. ...
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. Pas plus qu’on ne peut considérer les adeptes comme de simples « victimes passives »[26][26] Ibid. , p.  6. ...
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. La teneur modérée de ce dernier rapport (qui reste toutefois très méfiant vis-à-vis de la Scientologie, des groupes sataniques et thérapeutiques) et ses prises de position contre des aspects importants de l’offensive française désolidarisent nettement l’Allemagne du « camp français », même si certains Länder (comme, du reste, certains cantons suisses) y restent fermement engagés.

34On voit donc bien que le choix d’une politique en matière de sectes ne peut être déconnecté du type de relation que le pays tient à entretenir avec les États-Unis. À ce titre, le changement de ton de l’Allemagne n’est certainement pas anodin.

La France isolée ? Le cas des Témoins de Jéhovah

35Le traitement de l’association des Témoins de Jéhovah est révélateur de l’isolement de la France au sein de l’Europe occidentale. Ce groupe, beaucoup plus anciennement implanté en Europe que les autres, a posé problème aux pays dans lesquels il se développait pour trois raisons : le refus de la transfusion sanguine, du service militaire, et de la participation au vote. Le premier refus semble avoir trouvé à la fois une solution juridique (concernant les enfants mineurs) et une solution médicale grâce à la création de produits de substitution. Même si l’efficacité de ces solutions n’est pas unanimement reconnue, on n’a plus signalé de décès de mineurs survenus faute de transfusion sanguine depuis plusieurs années en Europe occidentale. Le deuxième problème cesse progressivement d’exister partout où la professionnalisation de l’armée est en cours. Enfin, le refus de voter fait désormais partie d’un questionnement plus général de société.

36De fait, cette association est aujourd’huireconnue comme association cultuelle et jouit de tous les droits et libertés prévus par l’ordre juridique national dans de nombreux pays d’Europe occidentale. Certains d’entre eux ont d’ailleurs pris cette décision dans la période où la mobilisation anti-sectes en France bat son plein. Le 20 mars 2000, l’État italien reconnaît officiellement cette association comme religion[27][27] AFP International, 20 mars 2000. ...
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. En Suède, la séparation de l’Église luthérienne et de l’État, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, conduit le Parlement à voter un statut juridique approprié ouvert à cette Église au même titre qu’à d’autres organisations qui en feraient la demande ; et les Témoins de Jéhovah sont enregistrés comme communauté religieuse deux mois plus tard. À l’été 2001, la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne casse un jugement prononcé en 1997 par la Cour administrative fédérale : celle-ci avait refusé d’accorder le statut de religion à l’association des Témoins de Jéhovah en raison notamment de l’abstention politique de ces derniers. Jugeant les motifs invoqués insuffisants, la Cour ordonne le réexamen de leur demande. L’obtention du statut n’est cependant nullement assurée : l’éventuelle confirmation des méthodes sévères d’éducation des Témoins de Jéhovah et de la contrainte exercée sur les membres qui souhaitent partir, le refus des transfusions sanguines pourraient constituer des obstacles à la reconnaissance du statut[28][28] Bernard Blandre, Mouvements religieux, n° 244. ...
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37La France, pour sa part, maintient sa réserve. La classe politique continue à se mobiliser pour empêcher que les Témoins de Jéhovah obtiennent le statut d’association cultuelle[29][29] Il existe en France un fossé entre une politique très...
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. Comment s’explique cette singularité de l’approche française de la lutte contre les sectes, comparée à celle, plus souple, de ses voisins ?

Les raisons de la spécificité française

38On a vu dans les pages qui précèdent que la France avait d’abord suivi le cours d’un mouvement européen plus qu’elle n’en avait pris l’initiative, puis qu’elle s’en était détachée, de façon relativement tardive, pour prendre une place de leader dans une lutte généralisée contre